mercredi 22 décembre 2010

Les lutteurs bretons de Loëys Rest à Pont-Aven

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"Ah ! ces fameux LUTTEURS !“ Me revient tout à coup à l’esprit cette exclamation de Marie-Noëlle Révérend, notre cousine, “à la mode de Bretagne“ qui dit bien l'étonnement et le plaisir que nous avons éprouvés à Pont-Aven devant la sculpture des Lutteurs, groupe devenu quasi légendaire pour les descendants de la famille Le Reste. Cette œuvre d’art fut fabriquée à Scaër “pays des luttes et des joyeux chanteurs aux savantes disputes“, ce bourg de Cornouailles qu’évoque Brizeux dans son poème “Les Lutteurs”. Nous sommes allés à leur rencontre.

L'épais brouillard qui nous enveloppait dès la sortie d'Orléans, nous a lâchés vers Loudéac. Un ciel dégagé, des échancrures bleues, le sourire du soleil, tout annonçait une belle journée. L'arrivée en terre de Bretagne me procure toujours un léger tremblement intérieur, signe que je retrouve mes racines. Je me projetais en pensée dans le village de Scaër et chantonnais des bribes de la mélodie que Chateaubriand composa : “combien j’ai douce souvenance du joli lieu de ma naissance”.

Mais c’est à Pont-Aven et non à Scaër que nous nous étions donnés rendez-vous lundi 14 novembre 2010 après les Fêtes de Toussaint, sur la place principale de la petite ville cornouaillaise dont le musée (comme chacun sait) s'enrichit d'œuvres de Gauguin et autres bons artistes de l'École de Pont-Aven. Quant à mon frère Mikaël et sa femme Jisket, ils avaient fait route depuis leur maison de Penkelenn, sise non loin de Scaër. Venus de la région parisienne, quelques membres de la famille Révérend étaient au rendez-vous. Pleins de curiosité, ils souhaitaient voir les fameux Lutteurs, une “première“ pour Marie-Noëlle et son fils Frédéric. Ma cousine Hélène Le Bihan, fille de Marcelle Derrien, ma marraine, accompagnée de son mari Gérard Scibérras, nous a rejoints devant le Musée Gauguin. Depuis quelque temps, nous aimons nous revoir pour échanger des souvenirs croisés qui nous tiennent à cœur… mémoire à fleur de peau.

Cette journée de retrouvailles autour d’un “monument“ familial avait été soigneusement préparée. Mon frère Mikaël s’était chargé des négociations avec l’actuel propriétaire du groupe sculpté par notre arrière petit cousin, Loëys Rest. Personnellement, je garde le souvenir, bien qu’un peu flou, de ces temps lointains où j’accompagnai, ma mère à Pont-Aven. Elle aimait y venir comme pour un pèlerinage. Anne Kersulec, alors gardienne du groupe de Lutteurs, nous avait invitées à contempler son Trésor. Me reste une double image : d’abord, la silhouette debout d’une sorte de momie “embaumée“ de linges blancs que l’on déroulait pieusement, selon les règles d’un rituel, me sembla-t-il. Puis, peu à peu, se dévoila le bloc sombre et luisant de deux formes qui prenaient vie. Deux hommes enlacés dans un embrassement farouche, s’imposaient avec force. Je fus étonnée, admirative et surtout frappée de l’intérêt qu’y portait ma mère. Pour elle, comme pour sa sœur, cette sculpture faisait l’orgueil de la famille Le Reste. Cette sculpture des Lutteurs scaërois de Loëys Rest m'a accompagnée souterrainement pendant des années comme une figure endormie, ensevelie dans les Limbes du souvenir, jusqu'au jour où une visite à mon cousin Robert Boucher vint la réveiller. J'ai alors lu l'article qu'il avait fait paraître dans le Télégramme, quotidien régional. Robert, fils de notre oncle Camille, "fameux" sculpteur lui aussi, fut alors la mémoire ressuscitée qui remit debout Christien et Toupard, Ils émergèrent alors et resurgirent nettement devant moi, pour ne plus me quitter.

Il y a une quinzaine d’années, Hélène Scibérras avait déjà provoqué une réunion entre Anne Kersulec et nos deux mères, Marcelle et Marguerite. Hélène en conservait un souvenir très net et songeait déjà qu’une telle œuvre pourrait orner, un jour, la salle d’un musée des Beaux-Arts, en Bretagne. Il nous arrivait d’en parler. Là-dessus, vint se greffer un surgeon inattendu de l’atelier d’ébénisterie de Jean-Joseph Le Reste, notre arrière grand-père ; entreprise florissante dans la Cornouaille des années 1880. L’un des apprentis de cet atelier s’appelait Corentin Le Pape. Nous ignorions tout de son destin quand il réapparut, pourrait-on dire, en la personne de sa petite fille, Marie-Noëlle Révérend. L’énorme machine enregistreuse de toutes les histoires et de tous les potins de la planète, la toile géante appelée Web, fit son office de connexion. Marie Noëlle en recherche de ses racines bretonnes aidée par son fils, Frédéric passionné de généalogie tira le fil ténu de la pelote que ma mère tissa sous forme d’un petit livre de souvenirs paru en 1997, un an après sa mort. Il prit place sur le site Gaidig créé par mon mari Claude. En l’occurence, je ne vois rien de plus approprié que de reprendre ce qu’écrivit ma mère, en préalable à cette visite que nous allions rendre à Youn Martin, l’actuel héritier de cette pièce de musée qui repose aujourd’hui dans sa maison de Pont -Aven.

Voici le portrait que brosse ma mère, dans le chapitre où elle évoque sa tante Françoise de Pont-Aven épouse de l’oncle Louis Le Reste, habile ébéniste de l’atelier de notre arrière grand-père.

Un autre nom restait aussi, après bien des années, dans la mémoire de l’atelier qui s’en glorifiait : le compagnon Loëys Le Reste, de la toute première équipe de 1883. Il se trouvait être un cousin germain du grand-père qui le rappelait volontiers. Original solitaire, il était célèbre dans le pays des Scaër et ses environs pour son talent de sculpteur qui, comme œuvre maîtresse, lui fit tailler dans un bloc de chêne, un groupe de lutteurs aux prises, grandeur nature, d’une très belle facture ; Le musée de Quimper lui en offrit, dit-on, “une petite fortune” qu’il refusa. Et… le groupe, déjà remarqué à l’exposition à Vannes, fit route vers l’Amérique et l’exposition de Chicago jusqu’à Bordeaux… d’où il revint, ayant laissé filer le paquebot qui devait l’embarquer. Ce qui affecta le grand-père, plus peut-être que le cousin Loëys, très en marge de ces contingences.
Ce très beau groupe, après avoir fait durant des années, les beaux jours de l’hôtel-restaurant Kersulec, à Scaër, où il fut proposé en bonne et due place aux regards de la clientèle et des visiteurs intéressés, gît maintenant, à Pont-Aven chez l’héritière Anne, momifié dans dans des bandelettes de vieux linges, bien à l’abri des importuns. En frémit-il dans sa tombe, le facétieux cousin Loëys ? lui qui en, en guise de reconnaissance, se contenta, peut-être, de la notoriété que lui valut, un jour de mardi gras , la jument qu’il peignit de vert, qu’il exhiba et qui en creva, la pauvre, victime de la fantaisie cruelle d’un original en goguette ? Pas sûr ! Il en fallait d’autres à cousin Loëys ! un “mécène“ du coin, le baron de Kerjégu, proposa de prendre en charge ses études aux Beaux-Arts de Paris ; il s’en fut donc jusqu’à… Lorient, puis s’en revint, libérant à chaque tour de roue la nostalgie qui l’étouffait. Il mourut à tente ans, d’avoir trop aimé la noce, le chouchenn et le bon cidre.
Cousin Loëys, sous la pierre tombale devant laquelle je m’arrête , au cimetière de chez nous , depuis longtemps tu n’es plus que poussière mêlée à l’humus du terroir que tu aimais. Dors, va ! Un jour peut-être, les lutteurs Christien et Toupard que tu as immortalisés sous la fouille de tes ciseaux et la caresse de tes doigts, sortiront de leur suaire de vieux chiffons, pour témoigner de ton âme et de ton talent !

Ce lundi après-midi du 15 novembre 2010, nous étions prêts à franchir le seuil de la maison de Youn Martin. Son accueil aimable, plein de naturel quoique réservé, nous mit vite à l’aise et nous le suivîmes en procession comme les fidèles d’un culte secret… Après avoir traversé un hangar, débouché sur un beau jardin et grimpé une volée de marches, nous entrâmes dans le dédale de la maison. Il me semble que nous avons emprunté un couloir avant d’entrer dans une pièce assez sombre et fort encombrée. Nous étions silencieux, peut-être légèrement émus… curieux sûrement ! Comme si nous pénétrions dans le naos d’un temple sacré, en attente d’une révélation mystérieuse.

Peu à peu, les meubles sortirent de la pénombre et guidés par la voix de notre hôte, nos regards convergèrent vers l’objet du Culte familial. Chacun prit place : qui sur une chaise, qui sur un fauteuil, qui sur le rebord d’un divan ou debout pour mieux embrasser l’espace, prendre des photos ou actionner une mini-caméra. Youn, visage souriant, débarrassa lentement la sculpture des quelques pièces de tissu blanc qui la couvraient par endroits. Il s’animait en ce faisant et répondait volontiers aux questions posées à voix basse par l’un des assistants. Ainsi, je sus que ce que ma mère avait pris autrefois pour des bandelettes de conservation, n’étaient autres que les pantalons mi-longs ou bragou de couleur beige clair portées par les lutteurs, ainsi que le voulait l’usage. Nous les vîmes alors, dans leur parure ligneuse de chêne clair et luisant qui fleurait bon la cire d’entretien. Bien qu’ils fussent assez peu mis en valeur, placés contre le mur près de la porte d’entrée, face à la pâle clarté venue des fenêtres à carreaux, ils illuminaient la pièce de leur incroyable présence.

Nous rentrâmes en contemplation. Devant nous, surgissait le couple enlacé dans “la lutte debout“ sport celtique de combat appelé “gouren”. Les Bretons venus de Grande-Bretagne le pratiquaient depuis le IVe siècle de notre ère. Sans doute, les lutteurs Christien et Toupard, immortalisés par Loëys Rest, maintenant soumis à notre attention, avaient-ils prononcé en breton, le serment d’usage avant de s’engager dans un assaut martial.

M'hen tou da c'houren gant lealded
Hep trubarderezh na taol fall ebet
Evit ma enor
Ha hini ma bro.
E testeni eus ma gwiriegezh
Hag evit heul giz vat ma zud-kozh
Kinnig a ran d'am c'henvreur
Ma dorn ha ma jod.

Je jure de lutter en toute loyauté
Sans traîtrise et sans brutalité
Pour mon honneur
Et celui de mon pays.
En témoignage de ma sincérité
Et pour suivre la coutume de mes ancêtres
Je tends à mon adversaire
Ma main et ma joue.

Les voilà devant nous. Ils sont aux prises, corps serrés dans la fougue de l’étreinte qui les tient étroitement enlacés. Leurs jambes se mêlent dans un habile croc-en-jambe qui doit précéder la chute d’un des lutteurs : dès qu'il sera mis à terre, sur le dos, avec la touche des épaules, le jury proclamera la victoire du plus fort. Tels qu’ils sont là, debout devant nous, pieds nus solidement plantés sur le socle de bois figurant l’aire de combat, ils vivent intensément ce moment exaltant où l’âme chevillée au corps, ils fusionnent en se mesurant, en se repoussant, galvanisés par l’effort et l’envie de gagner… puis de crier “Lamm” ou “Victoire”. L’enjeu est de taille, en effet. Devant le public en liesse et partisan, les lutteurs se doivent de satisfaire l’orgueil de la localité qui les a choisis. Car chacun de ces lutteurs représente sa paroisse et veut l’honorer en rivalisant. “Que le meilleur gagne !“ Qui dit paroisse dit clocher. Derrière leurs têtes fièrement dressées, je vois se profiler en flèche, les deux clochers des églises néo-gothiques de Scaër et de Guiscriff qu’ils symbolisent dans leur lutte sportive.


Qui dit combat, dit ordinairement vainqueur et vaincu ! comment alors, se peut-il alors que ces deux hommes farouchement aux prises, puissent nous donner une impression d’égale puissance ? que l’un n’ait pas l’air d’écraser l’autre dans la dangereuse ivresse du combat ?
Cela n’est pas dû au hasard. On sait que le cousin Loëys, né à Scaër en 1862, a voulu rendre hommage à ses deux grands-pères, anciens champions de lutte bretonne réputés en cette seconde moitié du XIXe siècle. Après leur mort, Il sculpta ses contemporains, le Scaërois Christien et Toupard de Guiscriff, lutteurs qu’il admirait. Il travailla à ce que leur gestuelle nous les montre de même force. . Il leur a donné la même stature, 1m 60 environ, la tête de Christien ne dépassant pas celle de Toupard, mêmes cheveux plaqués qu’un jonc tressé rassemble sur la nuque, même musculature souple et déliée, visages empreints d’une forte tension physique, semblables à des frères jumeaux. Un même flux d’énergie les traverse et c’est une danse autant qu’un combat qu’ils exécutent devant nous. Les 200 kilogrammes que pèse le bloc sculpté semblent se répartir dans l’équilibre des masses.

Écoutons notre cousin expliquer sa méthode de travail : “J'avais fait deux bonshommes en paille bourrée dans les chemises et dans les culottes que j'avais attachés avec des cordes l'un contre l'autre… Je m'habillais avec des costumes et luttais seul. Pour faire les cheveux, j'avais pris une boule que j'avais lacée de chanvre autour. Pour faire les pieds, je me suis servi de mes pieds… Les proportions, je les prenais de moi-même sur un compas de bois que j'avais arrangé”.

Travail de longue haleine qu’il peaufina pendant 10 ans, toute sa vie d’adulte puisqu’il est mort à 30 ans. C’est donc son Mémorial, ses “SCULPTEURS D’OUTRE-TOMBE“ pensai-je en souriant, l’associant malicieusement à notre grand barde Chateaubriand. J’avais l’impression que chacun d’entre nous s’était niché dans sa rêverie, les yeux rivés sur Christien et Toupard ressuscités.

Nous les admirons en bloc et en détail. Le travail, réalisé sur le tronc de chêne devenu sculpture anthropomorphe, impressionne par sa qualité plastique: l'élan général, le ciselage soigné des détails, l'aspect tantôt granuleux tantôt poli des surfaces. L’on sent combien les outils : gouge, ciseaux, biseaux, plates, ont dû s’activer pour creuser, modeler, affiner, buriner des corps d’hommes en lutte, portant la tenue de rigueur en la circonstance.

La chemise à manches longues largement échancrée laisse voir la poitrine nue. Le modelé du tissu qui couvre les bras préhensiles et nerveux révèle une telle finesse d’exécution que, fasciné, l’on suit du regard les multiples pliures et froissements faits par les mains et les bras en bataille. La peau nue des mains des lutteurs montre les veines qui saillent dans l’empoignade. Elles se croisent en ceinturant le dos de l’adversaire qui plaque les siennes, écartées, contre le dos de son rival. Les visages fermes et tendus offrent un front lisse et poli sous la touche légère des doigts que nous promenons subrepticement sur leurs formes d’athlète, pour mieux sentir la densité de la matière dont ils sont nés. Leurs pieds nus, fins et nervurés sont solidement arc-boutés pour soutenir le poids des jambes revêtues d’un pantalon légèrement bouffant, prolongé de guêtres qui épousent le mollet jusqu’à la fente déboutonnée à hauteur de cheville.

Je les regarde longuement, surprise du délié de leurs membres, de la sveltesse de ces corps jeunes que l’on devine nerveux et bondissants. Mes souvenirs infidèles les voyaient plus lourds, plus trapus, plus massifs… mais ils sont pareils aux dieux du stade si souvent représentés par les artistes gréco-romains amoureux de beauté idéale. Leurs visages juvéniles, glabres et farouches revêtent, à mes yeux, une séduction particulière : les longs cheveux plaqués sur le crâne forment de belles tresses nouées d’un jonc, sur l’encolure qu’elles protègent. Cette coiffure épouse parfaitement les contours de leurs fiers visages aux formes pures et ciselées : nez aux ailes palpitantes, arcades sourcilières ombrageant les yeux d’ombre, méplats des joues creuses, lèvres fines entr'ouvertes, on les sent crispés dans l’extrême tension de la lutte. Beaux comme l’Antique ! pensai-je intérieurement.

L’examen attentif auquel nous nous livrons, permet de voir chaque pli de la chemise et du pantalon froissé avec minutie, habileté et réalisme. La poche du bragou côtelé s’est ouverte et baille naturellement dans le désordre de la lutte, le passant de ceinture serre un pan de chemise ramassé et noué pour mieux coller aux corps pris dans l’étreinte du combat. Les tendons de cheville saillent dans l’enroulé du croc-en-jambe. C’est un plaisir d’esthète que nous éprouvons à les regarder. Ils témoignent du talent éclatant de l’artiste qui les a sculptés,il y a 120 ans. Je ne peux refouler le sentiment de fierté que j’éprouve à savoir que je suis issue du même rameau familial que Loëys Rest. Je ne suis certainement pas la seule à le ressentir.

Nous remercions chaleureusement Youn Martin grâce auquel nous avons pu longuement contempler ce chef-d’œuvre, dans l’intimité familiale de notre petit groupe d'amateurs.

Tous deux, maintes fois photographiés, symbolisent la Lutte bretonne aujourd'hui et c’est rendre justice au génie de notre ancêtre. Génie du lieu, ancré dans sa terre heureuse plantée d’arbres nourris de force et d’énergie, terre où coulent des rivières souples comme les arabesques des hommes quand ils jouent : tantôt ils dansent en chantant le laridé, tantôt ils luttent pour se sentir puissants et fraternels. Notre cousin a fait souche de cette sculpture de bois qui est son grand œuvre. Artiste-né, il savait voir ce que le commun des mortels ne soupçonne pas.

Honneur aux mânes celtiques de notre ancêtre sculpteur.
Enor da Anaon hon hentad kizeller
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Louis, (1881-1928), époux de Françoise de Pont-Aven, un chapitre du livre "Une enfance à Scaër de Marguerite Floc'h.

Loeiz Rest, par Robert Boucher, janvier 1996.

Portrait. Loeïz Rest, sculpteur des Gournerien, dans le Télégramme.com (31/10/2010).

Histoire du gouren (XIXe-XXIe siècles), l'invention de la lutte bretonne, thèse de doctorat en S.T.A.P.S. de Melle Aurélie EPRON, p. 225.

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vendredi 10 décembre 2010

Une semaine à Saint Lunaire

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Cette petite station balnéaire, située immédiatement à l’ouest de Dinard, roupille aimablement dans la torpeur estivale que soleil et chaleur désertent pour le moment. Il faut dire que le ciel grisonnant éloigne les baigneurs et favorise nos déplacements touristiques.

Nous sommes arrivés jeudi 22 juillet 2010, après un sympathique repas pris à Rennes chez Jean-Jo et Anne-Marie, nous prenons la route de Saint Lunaire. Marie Anne Battais, belle-mère de Morgan nous accueille dans son petit appartement, bien localisé au centre de la station balnéaire, à 50 mètres de la plage. Elle fait grise mine sous un ciel nuageux sans perdre de son attrait grâce au sable fin et aux rochers l'enserrant. Notre hôtesse nous donne les conseils d’usage avant de s'en aller puis nous prenons nos marques: déballage de nos affaires et repérage des commerces. Paisible soirée.

Vendredi, départ pour Fougères — Cité des chausseurs, aujourd’hui disparus. D'abord nous faisons un arrêt à Dol de Bretagne célèbre pour sa cathédrale, chef-d’œuvre de l'art gothique normand, siège de l'évêché et première ville religieuse de Bretagne... pourtant la cité compte actuellement moins de 5 000 habitants.

Il y a foule ! sans défoulement intempestif, d'où l'agrément de notre balade ! Nous remontons la « Grande Rue des Stuart » où le pittoresque de nombreuses maisons médiévales diversement colorées, avec ou sans bardeaux, enchante l'œil ; Nous "fouinons" à la recherche des écrivains disparus, toujours présents dans nos mémoires. Sur la façade de l’ancienne Auberge Grand’Maison : un buste de Victor Hugo et la plaque attenante nous apprennent le passage du grand homme, accompagné de sa fidèle Juliette, en l'année 1836 : lors du voyage annuel que "Toto" accordait à sa "Juju" qui devait s'en contenter. La plaque précise aussi que la dépouille de Chateaubriand — qui fut collégien chez les Eudistes de la ville pendant deux ans — y fut veillée dans la nuit du 17 au 18 juillet 1848, avant d'être inhumée au moulin du Grand Bé en terre malouine, seul face aux fureurs océaniques.

Nous visitons un musée historique et d’art populaire, situé dans la belle demeure des chanoines appelée la Trésorerie. Il nous parut désuet et même dépassé malgré une belle iconographie. Témoignage zélateur de la Chouannerie, mémoire encore brûlante. Sa principale qualité, selon moi, est a modicité de son droit d’entrée.

À l’entrée de la cathédrale, deux jeunes filles proposent leur services de guides bénévoles de la SPREV. Nous apprenons que le bel édifice, d'apparence austère s’appelle Saint-Samson du nom du premier évêque qui fonda ici un monastère au VIe siècle après avoir fait des miracles pour asseoir sa renommée. C’est un vaste édifice gothique édifié en granit dont les tours ont des allures de donjons ; la tour sud du XVe siècle est flanquée d'un lanternon. Son chevet plat nous rappelle la cathédrale anglaise de Salisbury.
L'intérieur majestueux s'ouvre sur une longue nef baignée des éclats de lumière que déverse une superbe verrière. Le choeur de belles dimensions est tapissé de 80 stalles de chêne sculpté. Les miséricordes toutes décorées de visages individualisés et finement travaillés nous donnent la mesure du talent d'un ou des sculpteurs anonymes auxquels nous rendons hommage. Nous sortons par le grand porche qui flanque curieusement le côté droit de la cathédrale.

Puis nous restons déjeuner à Dol car l'indispensable parapluie de mon épouse gît oublié dans le petit musée qui ne rouvrira ses portes qu’à 14 heures. Bon repas à la Grabotais, dans une ancienne demeure du XVe siècle pourvue d’une grande cheminée accueillante. Le feu pétillant permet les grillades auxquelles nous avons fait honneur.

À Fougères, nous nous arrêtons à proximité du Château médiéval d'une belle teinte ocrée, énorme forteresse flanquée de treize tours debout, bâtie sur un éperon rocheux. Bel exemple d'architecture militaire que nous nous contenterons d'apprécier de l'extérieur.
Nous visitons d'abord l’église St Sulpice qui contient, entre autres curiosités, deux retables médiévaux en granit très travaillé ; puis nous montons dans les hauts de la ville pour photographier la maison et la statue du Marquis de la Rouërie, ami et combattant auprès de George Washington, pendant la guerre d'Indépendance américaine. Ce noble breton écrivit au président de l'Union une lettre de recommandation qu'il remit au jeune François-René de Chateaubriand, venu le visiter en partance pour le Nouveau Monde. Belle balade dans une ville aux rues très abruptes. Nous passons devant l'hôtel particulier qu'occupa un temps l'une des sœurs de Chateaubriand. L'on remarque maints commerces désertés (il est loin le temps où Fougères s'enrichissait de la vente de chaussures). Le tourisme paraît la principale activité. La municipalité a su aménager des trouées vertes qui offrent de beaux panoramas sur son château très visité, heureusement !

Samedi : Saint-Lunaire et Saint Malo.
La grisaille qui enveloppe Saint-Lunaire nous incite à un moment de farniente. Ainsi nous reprenons des forces après les escalades gymniques de la veille. La plage de sable fin nous tend les bras mais le temps nous en éloigne… Vers 16 heures, nous allons revoir la cité corsaire de Saint Malo. Balade d’une heure trente sur le Sillon à marée montante. Me reviennent des souvenirs vieux de plus de quarante ans qui vont se raviver chez ma cousine Claudine Viviani que je reconnais bien, malgré les nombreuses années écoulées depuis notre dernière rencontre. Nous faisons connaissance de son époux Dominique Lucas, autour d'une table bien garnie : souvenirs, souvenirs… Ce sont des hôtes remarquables, le repas et leur gentillesse en témoignent.

Dimanche : Combourg. Comme Marie-Hélène prépare une conférence sur le Voyage en Amérique de Chateaubriand… ça tombe à pic… la visite s'impose ! Émotion de ma femme devant l'un des lieux mythiques où vécut François - René, adolescent, en compagnie de sa sœur Lucile, enragé de désirs, en quête de sa Sylphide, fuyante créature née de ses rêves exacerbés par la sauvagerie et la magie de cette terre boisée de Brocéliande.
Aujourd'hui le château apparaît nu parce que débarrassé de la végétation ancestrale qui l'auréolait, dépouillé des masures paysannes qu'il dominait. Il a perdu en pittoresque et en poésie ce qu'il a gagné en notoriété ! les Mémoires d'Outre-Tombe irriguent aujourd'hui les mémoires touristiques, alertées par une publicité bien ciblée.
Une femme, estampillée guide "autorisée" attend notre groupe compact au pied du perron qui mène aux entrailles de la forteresse de Combourg. Brillante conférencière, dotée d’une voix forte et bien posée, elle nous a promenés, enchantés, citant des extraits célèbres des Mémoires d'Outre-Tombe qui ponctuaient chaque espace du lugubre château qu'elle a fait revivre par la magie du verbe de l'écrivain. Moment de grâce suspendue dans l'espace du Temps ! Rêveries.
La journée déroule ses heures consacrées aux promenades bucoliques et maritimes.

Ce séjour breton tourne décidément aux retrouvailles de la famille Viviani puisque nous partons sur les traces de l’hôtel Chateaubriand tenu autrefois par les Simon-Viviani, Louis et Jeanne, ma grand tante, auxquels succédèrent Régis et Jeannine, leur fille… Aujourd'hui, nommé Hôtel des Acacias, face à la la plage du Sillon, il me paraît aussi pimpant et fréquenté qu'autrefois...
Justement nous sommes attendus par Jeannine et Régis qui nous ont invités à dîner dans leur appartement chic... issime ! avec vue sur la mer d'ardoise qui flambera au soleil couchant Comme hier, souvenirs, souvenirs et table exquise… comme hier nous parlons de la future fête Viviani qui nous réunira, à Marignana, dans le berceau familial corse, au printemps prochain.

Lundi, nous "décompressons" et jeûnons après ces agapes à répétition. Le temps est toujours aussi peu engageant… L’après-midi, cap sur les plages situées à l’Ouest de St Lunaire qui défilent sans nous retenir : St Briac, St Cast puis St Jacut de la Mer qui nous offre une pause sur paysage panoramique et un rafraîchissement-crêpes dans un bistrot placé au sommet d'un château d’eau qui s'élève à plus de 100 mètres d'altitude, au-dessus de la mer.  Belle perspective ! d'un coup d'œil, nous balayons le paysage. Nous prenons du recul afin de saisir la beauté de cette côte d’Émeraude aux belles échancrures.

Mardi : Dinan. À 20 km de l’embouchure de la Rance, nous ouvrons les portes de cette merveilleuse ville féodale encore effervescente. Mais ce sont les derniers soubresauts de la fête médiévale qui a battu son plein, le week-end passé.
Nous avons préféré la visiter après les flonflons de la fête et commençons par le château seigneurial en majesté ! cela nous permettra d’entretenir notre forme physique car monter et descendre les rudes escaliers de pierre des souterrains aux combles est un bon exercice. Dans le donjon, édifié au XIVe siècle, nous consacrons un moment à l'exposition qui nous plonge au cœur du Moyen-Âge avec dessins, peintures, commentaires manuscrits, objets d’art profanes et sacrés qui ressuscitent le passé de la riche cité de Dinan.
Au sommet de la tour, comme tout touriste bien "élevé" nous contemplons, essoufflés, la vue panoramique forcément "admirable" puis dévalons quatre étages d'escalier en colimaçon à donner le tournis, pour nous retrouver dans l'espace- cuisine, sombre à souhait et très évocateur. Nous sommes maintenant dans les bas-fonds de la tour Coëtquen. Il fait sombre dans l' impressionnante salle voûtée ruisselante d'humidité où reposent de sidérants gisants médiévaux : couchés pour l'éternité, parfois à demi immergés dans une flaque d'eau, ils ne perdent rien de leur majestueuse prestance, beaux indifférents à l'indéniable présence.
Une exposition photographique « Regards sur Dinan, il y a cent ans » complète notre visite au château ! Nous émergeons à l'air libre. Il fait doux dans les ruelles ensoleillées. Nous découvrons l’église Saint Malo, aimablement cornaqués par par une jeune étudiante de la SPREV (voir Dol) puis nous zigzaguons dans la petite ville, l’œil aux aguets — et même l’oreille que Dame Béatrice et son psaltéron charment un temps. Finalement la faim nous conduit à fréquenter l’auberge du Pélican, où une bavette salutaire nous redonne de l’allant. Requinqués, nous descendons la très longue, pentue et pittoresque rue du Jerzual très animée qui aboutit au rafraîchissant port sur la Rance. Nous y prendrions bien racine ou bateau sur l'eau, mais il faut remonter la pente abrupte pour rejoindre le jardin anglais, où momentanément épuisés, nous nous reposons en admirant distraitement l'architecture paysagère à l'anglaise avant d'entrer dans l’église Saint Sauveur, propice au repos des touristes fatigués. Enfin, nous atteignons la porte Saint Louis où est stationné notre véhicule.

Mercredi, Marie-Hélène a voulu tremper cuisses et mollets dans la Manche, respirer l'air marin et se souvenir du film qu'Éric Rohmer tourna sur la plage de Saint Lunaire : "Conte d'été" (je crois…). Ses coquettes villas donnent sur un longue terrasse piétonnière qui domine la petite plage familiale dessinant, un demi-cercle harmonieux. Envie de farnienter pieds dans l'eau mais il est temps de monter à l'assaut de la ville des Corsaires, Saint-Malo. Nous faisons l'incontournable tour des remparts fouettés par le vent aigre qui baigne nos têtes nues. Beau site maritime éclairé d'une lumière diffuse. La promenade dans le dédale des rues intra-Muros nous replonge au cœur de l'enfance de Chateaubriand. Pause recueillie devant la Maison natale de l'Enchanteur. Une courte escapade nous mène au port de Saint Servan ; au pied de la tour Solidor, nous évoquons Suzy chanteuse de gouallantes dont le peintre Roger Toulouse fit le portrait en femme solaire.

Jeudi, nous prenons le chemin du retour. Au revoir St Lunaire… qui n'a jamais si bien porté son nom à force de bouder le soleil ! Lumière de lune et perles d'eau.
Avant de rejoindre nos pénates orléanais, nous prenons le chemin des écoliers autour de Vitré pour visiter la Collégiale Saint-Marie Madeleine à Champeau à 9 km au Nord-Ouest de Vitré. Malheureusement une brigade de couvreurs restauraient sa toiture endommagée. Toutefois, seuls dans l'édifice nous avons eu le loisir d 'apprécier l'élégance du chœur, les vitraux et les stalles sculptées.
Le dernier sourire de Bretagne se matérialisa au Château des Rochers-Sévigné, belle demeure solide où la Marquise, née Marie de Rabutin Chantal se plut à faire de longs séjours, s'occupant de son domaine, supervisant les travaux avec une morgue tout aristocratique que n'ont pas manqué de critiquer les Bretons d'hier et d'aujourd'hui.
Les jardins nous ravissent,la chapelle de style classique a belle allure, notre guide nous paraît compétente mais nous ne verrons que deux pièces du château, certes spacieuses.... garnies de beaux meubles et de souvenirs dont les lettres spirituelles, émouvantes d'une mère à sa fille adorée qui vit loin d'elle, sur ses terres de Grignan, au grand désespoir de la maternelle marquise... Douleur intime qui nous a valu l'une des plus belles correspondances du XVIIe siècle.

15 heures, retour à Orléans... Bonjour la Loire !
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lundi 18 octobre 2010

SICILE'2010-J10-samedi 16 octobre — SANTA VENERINA-ORLÉANS

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Ce samedi est le dernier jour que nous passerons en Sicile. Réveil hâtif, il est 7 h 30, rangement expéditif puis rapide petit déjeuner dans une ambiance de départ un peu précipité. L'ambulance arrive avec une demi-heure d'avance. Nous avons le temps de saluer non hôtes et de recevoir en cadeau le très bel album  de photographies réalisé par Emmanuele Scammacca. Adieu beau domaine accueillant...

Nous arrivons à l'aéroport de Catane vers 10 heures. Notre chauffeur ambulancier veille sur nous jusqu'à l'enregistrement de nos bagages. L'avion décolle à 12 h 30, moins de trois heures plus tard nous atterrissons, il fait 15 degrés de moins qu'en Sicile, cela surprend. Le comité d'accueil d'Europ Assitance est composé de trois personnes : deux ambulanciers et un chauffeur qui ramènera la Clio à Orléans  ! 18 h 15, nous ouvrons la porte de notre appartement, heureux de retrouver nos pénates.  

Superbe Sicile, Arrivederci ! Même si notre séjour  fut gâché par ce malheureux incident, nous projetons déjà de te revoir ! de revenir à la Tenuta San Michele de Santa Venerina ; nous visiterons la côte Est de ta grande île. Nous pourrons nous approcher de l'Etna qui nous a surplombés durant notre séjour dans le vignoble ; même si  ce redoutable volcan était souvent masqué par des nuages, nous aimions son imposante  masse noire de lave. Nous irons voir tes îles Lipari, Taormine, Catane et nous reverrons Syracuse, ses ruines antiques, son  musée archéologique… Que de rêves nous faisons déjà ! Nous irons vers Raguse, Noto, Enna, entrerons dans la Villa Romana del Casale à Piazza Armerina. Nous te retrouverons, belle TRINACRIA si les Augures nous sont favorables et bienveillants.
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SICILE'2010-J9-vendredi 15 octobre — SANTA VENERINA

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Au réveil, mon pied est encore douloureux, je me traîne avec ma sorte de botte (attelle). Je ne bougerai pas beaucoup ce vendredi, mon seul objectif est de savoir quand nous repartirons. Mon correspondant à Europ Assistance à changé, celui-ci parle très bien français mais avec un petit accent qui me semble être italien. Son discours est très différent de ceux de son prédécesseur et des médecins avec qui j'ai pu parler. Nous avons très vite des prises de becs ; il prévoit que notre départ de Sicile n'aura lieu que lundi prochain. Je vous passe les nombreuses péripéties qui m'indiquent qu'il veut surtout ne prendre aucun risque et qu'en conséquence il suscite chez le client (moi dans le cas présent) des craintes en prévoyant des catastrophes (phlébite…). Heureusement le correspondant de la veille reprend du service et, en accord avec le médecin, notre départ est programmé pour demain samedi depuis l'aéroport de Catane grâce un vol direct vers Roissy-CdG.

Marie-Hélène se promène dans le vignoble, dont je fais quelques photos (cette fois-ci en regardant où je mets les pieds). La journée passe. Agréable repas le soir au restaurant. Le site web du domaine, joliment réalisé est accessible en italien et en anglais. Une seule différence avec ce que nous voyons : la couleur du ciel, le bleu fut bien rare…
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vendredi 15 octobre 2010

SICILE'2010-J8-jeudi 14 octobre — SANTA VENERINA


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Nous quittons notre cinq étoiles de Syracuse. C’est un excellent hôtel de grand luxe, le personnel est souvent  sympathique mais l’ensemble reste froid, grand, impersonnel. Je n’ai pas eu d’internet, ce qui explique que les derniers billets de ce blog ont été mis en ligne ce vendredi 15 seulement.L’internet est annoncé dans la présentation de l’hôtel par WiFi  normalement ! no problem !  mais… car il y a un mais : il nous faudrait un abonnement téléphonique à Vodafone. Vraiment, il n’y a pas de petits profits chez ces gens là…

Je me remets au poste de pilotage de la Panda. Nous passons par l’hôpital de Syracuse, mais nous  trouvons le Pronto soccorso soit l’espace réservé aux urgences, terriblement encombré. Alors j’opte pour une ville plus petite et nous filons vers le nord. Nous allons directement à Santa  Venerina, distant de moins de cent kilomètres de Syracuse.

Rapidement, grâce à l’autoroute, nous trouvons notre gîte dans le secteur de l’agriturismo, avec l’aide du GPS de mon iPhone : CoPilot Live - Italia - 19,90 €, un prix cadeau (par rapport à Tomtom que j’utilise en France) et une providence pour un voyage en Sicile.

Nous sommes logés dans une grande propriété vinicole située sur le flanc Est de l’Etna entre Catane et Taormina. Elle s’appelle la Tenuta San Michele. C’est un grand domaine couvert de vignobles roussis qui encerclent de belles maisons aux tons ocrés, ça et là éparpillées et servant d’hôtels aux résidents. Au vu de ma marche cahotique, les gens de l’accueil, extrêmement compréhensifs et diligents, nous procurent une chambre qui m’est  accessible malgré la hauteur car ici tout est bâti à flanc de côteau d’où des volées de marches un peu partout. Notre appartement original et gai est composé de deux pièces dont l’une n’est accessible que par un escalier très raide. Je ne tenterai pas l’ascension. Ici, nous nous sentons comme dans une grande  maison commune très vivante  avec cuisine, salle-bibliothèque où l’on sert  le petit déjeuner dans un ambiance bon enfant. 

 
Le domaine vinicole et l’hôtellerie sont tenus par les membres  de la famille “de Murgo“. Ils savent vous accueillir très aimablement et  parlent français pour la plupart d’entre eux  Ils mettent à notre disposition l’une de leurs nièces, Gwendolina, jeune femme pétillante  et virevoltante,mi-sicilienne, mi-romaine, menue et de petit format. Elle s’empare du  volant de notre Panda et nous conduit  avec maestria au “pronto soccorso” de l’hôpital de Giarre.



Nous  allons attendre longuement en sa compagnie. Comme elle ne parle que l’italien, ma femme, soudainement ravie, oublie quelque peu les désagréments qui s’annoncent. Nous sommes dans une petite unité hospitalière mais le  temps s’écoule lentement au milieu de gens inquiets mais  communicatifs et volubiles  qui tentent de passer les uns avant les autres comme si c’était la chose la plus naturelle ! Ainsi un père de famille s’impose d’autorité traînant son fils par sa main bandée. Une infirmière barre le chemin menant à la femme médecin qui consulte et oriente les candidats dans les services. Gwendalina veille au grain, se bat efficacement et après 3/4 d’heure d’attente, période durant laquelle on donne dans la conversation entre voisins, un simple regard au laser de l’infirmière penchée  sur mon pied, m’ouvre la voie du service de radiologie. Installé sur mon trône à roulettes,  véhiculé par mes deux infirmières personnelles, j’arrive dans le service  où je suis rapidement hissé sur le table de radiographie. Après  sept clichés,  le verdict tombe : fracture ! Direction le service “orthopédie et traumatologie” où un dottore me donne la médication suivante : une attelle (Tutore Walker articulato), car le traumatisme est trop important pour que l’on plâtre mon pied sur le champ. Pour contrer le risque de phlébite, éventuellement aggravé par l’avion, il me faudra l’injection de quelques  piqûres qui aideront à la fluidification du sang. 

Sur le domaine San Michele, le vin coule en dégustations quotidiennes et la langue française semble appréciée de tous ! San Michele (13 via Zafferana à Santa Venerina, voir : 1 et 2). Cette propriété viticole appartient au Baron Emanuele Scammacca del Murgo et  produit des vins du terroir ainsi qu’un vin spumante (mousseux). Il  est possible de déguster les vins et  de visiter les caves  guidée par Gwendi ! Elle est sur tous les fronts !  Le baron, ancien diplomate, parle notre langue avec élégance, tout comme son épouse qui nous a accompagnés en ville de Giarre pour acheter mon attelle. Les deux fils parlent aussi un  français correct : l’un est marié à une charmante wallonne. On les sent tous concernés par le bon fonctionnement de leur commerce tant hôtelier que viticole.

La disponiblité et la gentillesse de Gwendi nous ont séduits. Nous l’invitons  à notre table qu’elle animera d’une conversation soutenue avec Marie-Hélène. Nous dégustons quelques antipastis puis un premier plat de pâtes et un très savoureux rôti de veau aux petits poix. Au dessert, nous goûtons un Tiramisu au mascarpone allégé, sans oublier des fruits mis à disposition sur la table du buffet. Vue sur les côteaux illuminés, vins du terroir, café, que demander de plus ?

Je marche beaucoup mieux avec le soutien de ma  gambaletta. Je désire un rapatriement rapide et prends contact téléphonique à plusieurs reprises avec  Europ’Assitance. Atienza !
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SICILE'2010-J7-mercredi 13 octobre — SYRACUSE (2)

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Nuit de douleur. Au réveil, je décide d’appeler "Europ Assistance" car je veux connaître la marche à suivre pour être soigné ou rapatrié ? Il faut aller à l’hôpital. Et puis… miracolo ! lorsque je descends prendre le  petit déjeuner, je m'aperçois que j'ai moins mal. Je renonce alors aux services de  l’hôpital, croyant à une foulure sans gravité.

Le matin, Marie-Hélène fait grise mine : son amie Françoise vient de mourir elle ne pourra assister à son enterrement) et son Claude est en mauvais état. Pour se détendre et réfléchir, elle marche en Ortigie : la promenade du front de mer offre un magnifique spectacle ; tout est calme ; la mer roule ses vagues dans un bruit apaisant. À son retour, je décide de quitter l'hôtel. Alors, tous les deux à pedibus, nous avançons cahin-caha vers le temple d’Apollon situé au loin, à l’autre bout de l’île. Je traîne ma jambe qui se révolte mais je marche. Ce qu'il reste du temple nous parle peu ; rien à voir avec les édifices antiques récemment visités. Notre humeur est morose, je souffre et je râle après tout, mettant la patience de mon épouse à rude épreuve ! Mais elles est stoïque ! nous mettons un temps fou à trouver un bus qui finit par nous ramener à l'hôtel.

Après-midi  de lecture et d'écriture dans la chambre. Le soir, impossible pour moi de marcher jusqu'au Dom Camillo, restaurant  du centre-ville où nous avions projeté de dîner. Nous commençons une marche éprouvante et sur la place du Duomo, nous remarquons un restaurant qui nous semble “classy” :  le voir c’est l’adopter “revenez à huit heures…” : pause-apéro à la terrasse face au Duomo (lieu de toutes les… chutes), descente dans une cave (pardon une écurie) du XIVe siècle à l'esthétique chicisssime, modernité voulue qui nous plonge dans une atmosphère spectrale où les noirs répondent aux blancs dans un éclairage diffus ! Festin au tombeau ! Nous ne trouvons rien à redire.  


Le menu "Archimède fish" composé de 5 plats pour 50 € est excellent malgré quelques fautes de goût : le deuxième plat de pâtes ressemble trop au premier  en moins réussi quant au dessert à la ricotta, il n’est pas à notre goût. Mais nous faisons honneur au superbe octopus, aux pâtes mêlées de fruits de mer et quels poissons ! parfaitement cuits et finement relevés d’une sauce un peu caramélisée, un délice !

Retour "bringueba lent" à l’hôtel ! Le pire est à venir ! 

SICILE'2010-J6-mardi 12 octobre — SYRACUSE





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Après un copieux et tardif petit déjeuner dont la diversité se veut à la hauteur du nombre d’étoiles détenu par l’établissement, je pars seul, faire un premier petit tour d’Ortigie. 

Sainte Lucie, église baroquissime m’accueille avec en prime, un tableau peu connu du Caravage : “La mise en  terre de Sainte Lucie", clair obscur pour l'ambiance  et forte musculature masculine qui s'impose en premier plan. Pendant ce temps,  mon “autorité supérieure“, écrit des cartes postales, benoîtement installée dans la " chambre avec vue"  ! 

Puis, je m’introduis dans le Duomo, temple d’Athéna transformé en Cathédrale [style baroco-dorien (sic)]. Son imposante masse ne peut qu’impressionner. Est-ce pour cette raison qu’en sortant, je loupe la dernière marche des degrés du parvis ? patatras : je me “ramasse” et me relève avec une forte douleur au pied gauche due à la vilaine torsion qu’il vient de subir. Deux heures plus tard, je suis allongé, mon pied dans un sac rempli de glace aimablement fourni par l’hôtel ; j’attends l’heure de l’ouverture de la pharmacie (à 16 heures, l'on me conseillera sans doute du Nifluril, comme quand je jouais au football…) me voilà sans grand espoir de pouvoir marcher, à mon aise, dans les jours à venir. 

L’après-midi est mou, mon pied douloureux ; après 16 heures, aidé par mon épouse, je me lève et me traîne jusqu’à la pharmacie. Constat de la pharmacienne :  pas de fracture puisque les orteils bougent, pommade et bandage de rigueur. J’attends au café du Duomo pendant que Marie-Hélène le  visite et s’intéresse au tableau du Caravage “Seppelimento di Lucia“. L’on ne peut qu’apprécier le fond de musique baroque qui ajoute à l’émotion ressentie devant l’un des premiers tableaux de Michelangelo Merisi dit il “Carvaggio". ( l'un des premiers faits en Sicile après une carrière déjà rich et mouvementée) .Pénible retour à L’hôtel tout proche où mon infirmière personnelle me délivre les premiers soins.

Le soir, nous dînons dans la gargotte la plus proche, face à la mer (invisible, car le soleil s'éteint vers 18 h 30). Nous regrettons amèrement la Locanda Mastrarua de la veille. Moral en berne, nous commençons à parler de rapatriement sanitaire… en souhaitant que la  nuit soit réconfortante et que Santa Lucia me redonne le pied gaillard ! 

Les miracles existent ! 
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SICILE'2010-J5-lundi 11 octobre — AGRIGENTE

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Réveil tardif, un effet de l’orage d’hier ? Un peu bousculés, nous atterrissons dans la véranda-salle à manger de l’hôtel à 9 heures pour prendre le petit déjeuner classique en hôtel sicilien : viennoiseries, jambon, pain, fruits, gâteaux, beaucoup de breuvages dont un café médiocre. Il faut demander un “stretto” ou un “lungo” que les serveurs fabriquent à la machine du bar. Les croissants contiennent de la confiture. Les ours aiment ça ! ! Puis, après avoir réglé les comptes auprès d’une accorte et plantureuse brune, nous quittons notre hôtel pour la “Vallée des Temples”. Le ciel est clair, l’atmosphère rafraîchie. 

Nous préférons pénétrer dans cette Vallée par une entrée secondaire, celle du temple de Junon. Nous allons effectuer dans ce parc archéologique une visite de plus trois heures : un ravissement !  nous rencontrons d’abord  un couple de  Danois connus à Erice puis les luxembourgeois, vieilles connaissances, maintenant  ! nous échangeons nos adresses emails. Vedremo ! 

D’Est en Ouest :
  • nous longeons le temple de Junon Lacinienne : 25 de ses 38 colonnes sont toujours fièrement érigées et l’architrave est en place. 
  • nous passons devant le temple de la Concorde, le mieux conservé peut-être de toute l’Antiquité, 
  • puis devant le temple  d’Hercule, le plus ancien, réalisé à la fin du VIe siècle : il compte encore 8 colonnes superbement dressées.
  • voici le temple de Jupiter Olympien, le plus grand, dont les impressionnants degrés sont entourés d’un extraordiaire chaos de gros cailloux destinés, sans doute, à rester ainsi amoncelés. 
  • enfin, à l’ouest, côte à côte, voisinent le sanctuaire des divinités chtoniennes (Demeter et Corée) Tout près, voici les vestiges du temple de Castor et Pollux. 
Notons que ces temples sont tous d’ordre dorique. 

Après quelque difficulté à nous extraire d’Agrigente, nous  prenons la route du Nord, vers Caltanissetta que nous contournons pour rejoindre l’autoroute  Palerme - Catane (contrairement aux autoroutes italiennes, les siciliennes  sont gratuites). À l’approche de Catane, nous bifurquons vers le Sud et grâce à une route à quatre voies,  atteignons Syracuse, la cité magique de la Fontaine d'Aréthuse! 

Il nous reste à trouver l’Hôtel des Étrangers, situé dans l'île d'Ortigia, dans la zone ZTL 0-24,  zone à circulation limitée à laquelle seuls les résidents ont accès. Nous parvenons à l’hôtel qui affiche ses  cinq étoiles. Le personnel  me fournit rapidement  une carte qui  me permettra de stationner à Ortigie, moyennant une empreinte de ma carte bleue. Agréable  appartement spacieux  face à la mer: une grande  chambre s'ouvre sur une plus petite faisant office de salon. La baignoire à remous me tentera.  (Directours m’avait averti, juste avant notre départ, que l’hôtel prévu étant complet, nous aurions le bénéfice d’un autre, de classe supérieure. Bellissimo !)

Le soir,  guide du Routard en main nous traversons l’île (environ 400 m.) par la jolie via Maestranza. Nous festoyons à la Locanda Mastrarua et ce faisant, prenons langue avec des américains de Boston qui s'essayent à  retrouver leur français appris dans le passé. Les ruelles que nous parcourons  au retour sont bien éclairées, les balcons ventrus à souhait et les sculptures agrémentent les facades qui rivalisent de beauté. C’est un enchantement ! la  fontaine d’Aréthuse  regorge de papyrus où s’abritent de beaux canards blancs ! Çà caquette sous le ciel de lune ! 
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SICILE'2010-J4-dimanche 10 octobre — MONREALE & SELINONTE

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Au programme de la journée: la cathédrale de Monreale et le parc archéologique de Sélinonte. L’église est à trois kilomètres de l’hôtel Baglio Conca d’Oro que nous quittons provisoirement puisque nous pensons y revenir,  samedi prochain,  pour passer notre dernière nuit en terre sicilienne.
Nous  empruntons  un long escalier qui nous permet d'accéder au parvis du saint Lieu. L'extérieur du Duomo n'est pas particulièrement marquant bien qu'il ait belle allure avec sa façade tapissant le fond d'une place aérée, déjà pleine de touristes avançant en cascades fatigués. Nous entrons dans l'édifice renommé pour contempler les mosaïques byzantines. Bien que nous ayons déjà vu maints chefs-d'œuvres de l'art byzantin, ne serait-ce qu'à Venise ou à Ravenne, nous avons conscience d'être face à un ensemble exceptionnel.


L’église ruisselle d’éclats dorés qui suintent doucement des murs. Il faut un temps d’accommodation pour que l’œil discerne les figures représentées. Le Pantocrator trône en majesté dominant le vaisseau ecclésial de son omniprésence : il occupe tout l’espace, au fond de l’abside. La position un peu contournée de sa main bénissante fascine par sa grande délicatesse d’exécution. Il est difficile d’échapper à son regard magistral et lointain. Comme un metteur en scène, il semble  veiller sur le déroulement des séquences  de l’Histoire Sainte qui  déroulent  leurs péripéties sur les parois  de la grande nef animée. Ainsi s’étagent les scènes de L’Ancien et du Nouveau Testament. L’épopée de Noé est remarquablement lisible et... saisissante la façon dont l’arche est posée entre deux pics du Mont Ararat. Saisissant aussi, le vigoureux  coup  de genou de l’Ange courroucé, chassant Adam et Ève du Paradis terrestre, tous deux, fuyant comme de pauvres hère, vêtus de peaux de bêtes. Les plis des longues robes angéliques s’envolent  dans un savant jeu de pieds dansants et les ailes frémissent  sur des fonds colorés. L’on se sent à la fois hissés dans les hauteurs célestes et empêtrés dans notre lourdeur terrestre. Le temps est suspendu et  seul dans la foule, happé par le tourbillon statique d’une lumière enveloppante qui nous grise. Les étoiles se multipient dans ce fourmillement de mosaïques. Il me semble retrouver les notes heureses du chant de Dante Alighieri  quand il pénétra dans la rosace du Paradis  et que son rire sonna en éclats portés par   les vagues de la  lumière divine. 

Un peu étourdis comme  pris de vertige,  nous passons  dans le cloître , lui aussi admirable avec ses colonnes géminées, souvent incrustées d’éclats de  mosaïques, appétissants comme les délicates pâtisseries siciliennes. Les chapiteaux  historiés nous montrent des figures tout en finesse. Une  fontaine dans un angle du cloître  fait entendre le doux bruissement de l’eau perlant de la gueule de douze lionceaux miniatures qui couronnent le faîte d’une colonne de pierre sombre. Le charme paisible de l’espace  conventuel  opère une fois de plus. Nous sommes dans l’antichambre du Paradis que nous venons de quitter. 

À midi, nous arrivons à Sélinonte et acceptons l’une des petites voitures électriques nous sont proposées à l’entrée, pour 12 € par personne. Nous serons ainsi  véhiculés vers les trois zones principales des fouilles. À l’usage, nous constatons que ce mode transport silencieux et trépidant (à cause de l’état de la piste) nous permet  de voir toute les fouilles sans fatigue et de parcourir ainsi plus de cinq kilomètres. Ce qui ne nous empêchera pas d'arpenter  à pied les sites archéologiques, une fois déposés devant les différents temples.  

Deux découvertes majeures : le premier temple qui nous avons vu, le temple E est le mieux conservé. Remonté il y a une cinquantaine d’années, il s’impose par sa grande taille. La couleur de ses pierres est admirable, ses tons ocres éclairent le gris du ciel nuageux. Tout près, des chaos de colonnes brisées étalent leurs tambours; des  pièces d’entablement jonchent les degrés encore en place. La seconde découverte nous mène aux  remparts de la ville : 4,5 mètres d’épaisseur avec deux tours et des fossés artificiels. La qualité des blocs utilisés, de grande taille et parfaitement équarris nous montre une quasi organisation industrielle lors de la réalisation des fortifications. 

Après une longue promenade de plus de deux heurses, nous quittons Sélinonte ; demain nous verrons la Vallée des temples d’Agrigente et après demain, si  les dieux le veulent ! nous serons devant le temple d’Apollon et le théâtre grec de Syracuse. Nous flottons dans l'espace de  la Magna Grecia. 

Nous trouvons  notre hôtel, sans trop de peine: il s'appelle  le Baglio (ce qui veut dire ferme en dialecte sicilien)  Baglio della Luna. Nous nous installons pour une nuit. Un peu plus tard, au restaurant de l’hôtel : surprise ! nous retrouvons avec plaisir, nos Luxembourgeois : Monique et Jean-Claude, près de qui nous avions dîné la veille au soir. Joyeux repas dans une spacieuse  véranda  qui donne vue sur la vallée des temples : trois nous apparaissent bien illuminés. Puis soudain, un crépitement sonore ; des trombes d’eau s'abattent sur le toit. Grosse pluie méditerranéenne, très long orage aux éclairs bleus et aux lourds ronflements qui plombent le toit résistant ! dans quel état sera la vallée demain matin ?
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samedi 9 octobre 2010

SICILE'2010-J3-samedi 9 octobre — PALERME

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L'hôtel Baglio Conca d'Oro dispose d'une "navetta", petit car d'une dizaine de places qui porte  à Palerme les clients ayant réservé  leur place. Départ à 9:00, retour à 16:00. Nous descendons juste  devant le Palais des Normands et la Chapelle Palatine, tout réjouis! mais nous déchantons rapidement car circule    l'information désolante : pour cause de nettoyage, ces deux monuments qui n'en font d'ailleurs qu'un, sont fermés.

Nullement abattus, nous appliquons le plan B : cap sur la Cathédrale ! Nous entrons dans le centre ville par le Corso Vittorio Emmanuele, puis  empruntons la belle Porta Nuova (à nos risques et périls puisqu'elle n'est pas pourvue  de trottoirs et que le trafic est intense). Enfin nous arrivons sur une vaste esplanade-jardin où ce très imposant monument nous attend. Construit en 1184, de facture siculo-normande, c'est un énorme édifice dans lequel nous pénétrons par un beau portique gothique-catalan flanqué de deux tours ; une sourate du Coran nous rappelle qu'il fut édifié sur l'emplacement d'une mosquée.Très remanié, l'intérieur nous  paraît tout de même homogène. Peu impressionnés, nous nous contentons d'une visite superficielle.


Nous poursuivons notre trajet sur le Corso V. Emm. au milieu des élèves du Lycée V. Emmanuel, entrant  et sortant des  dizaines de librairies  ouvertes sur la rue,  ce qui en dit long sur  l'appétit de lecture des Siciliens… Nous croisons la Via Manqueda au carrefour étroit  des Quatro Canti (les quatre coins) orné de   quatre palais qui rivalisent de splendeur déchue et se lorgnent dans leurs majestueux atours baroques. Puis nous atteignons la Piazza Pretoria occupée par l'imposante Fontana delle Vergogne (fontaine de la Honte car les statues dénudées des dieux et déesses offensaient la pudeur des religieuses voisines, recluses dans leur couvent ). Cette fontaine exhibant ses  beaux nus,  grandeur nature,  nous occupe un moment... avant de parvenir à la Martorana, l'église S. Maria dell'Ammiraglio, presqu'entièrement drapée d'énormes échaffaudages. L'intérieur est splendidement ouvragé et visible malgré certaines  zones masquées par des travaux : les mosaïques nous laissent éblouis !  En sortant de cet édifice byzantin,nous visitons la petite église San Cataldo qui nous  offre une remarquable synthèse intimiste d'aspects chrétiens, de réemploi antiques et d'ornementation arabe. Trois coupoles d'un rouge éteint la chapeautent rondement 


Nous parcourons  la Via Roma jusqu'à la pause-pâtisserie où nous nous régalons tout en nous reposant malgré le trafic incessant. En ce  samedi après-midi, tout est  fermé, hormis les éventaires de cadeaux pour touriste. Après quelques détours, nous tombons  sur le Palazzo Mirto, grande demeure aristocratique  ,  défraichie et déserte  qui nous  ravit et nous transporte vers un ailleurs historique. Nous avons encore le temps de flâner dans l'espace conventuel de l'abbaye degli Eremitani pourvu d'un délicieux cloître-jardin foisonnant de fleurs et de fruits. Une douce pénombre parfumée nous retient dans cet ermitage où la prière naît de la contemplation des calices délicats de ces fleurs parfaitement heureuses.




Retour fatigué vers le petit bus qui nous mène rapidement et sans hésitation vers l'hôtel où nous reprenons des forces. 


Le soir nous réserve une surprise : le restaurant de notre hôtel étant  fermé, nous devons faire quelques centaines de mètres pour nous retrouver au flambant neuf Genoardo, grand hôtel exhibant d'immense salles d'exposition,  appartenant au même patron que notre gîte : l'hôtel " Conca d'oro"  Nous faisons connaissance d'un couple de Luxos avec lequel nous sentons des affinités. Ainsi appelle-t-on couramment,  les Luxembourgeois à Bruxelles. Bon repas que suit un copieux  arrosage car il pleut à grosses gouttes ! Il en faut plus pour plomber notre bonne humeur ! 
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